Les premières femmes parachutées en France en 1942
Lise de Baissac et Andrée Borrel ont intégré le corps du FANY (First Aid Nursing Yeomanry), unité féminine indépendante avant d’être recrutées par le Spécial Operation Executive (Service secret Britannique) pour y être formées comme agents secrets.
Lise de Baissac sous son nom de guerre « Odile » et Andrée Borrel sous son nom de guerre »Denise » deviennent les deux premières femmes parachutées en France, dans la nuit de 24 au 25 septembre 1942, à Nouan, au lieudit Boisrenard.
Lors de la commémoration de ce 80e anniversaire, le dimanche 25 septembre 2022, une stèle a été inaugurée sur le site du parachutage en souvenir de ces deux remarquables femmes résistantes.
La cérémonie a eu lieu en présence du neveu de Lise de Baissac ainsi que du fils du Major Sustill dont le père encadrait Andrée Borrel pendant la résistance. Des membres des FANY’S, dont certaines portaient l’uniforme d’époque, s’étaient déplacées en nombre pour l’occasion. Beaucoup d’enfants étaient également présents.
Cet évènement plein de sens a su rassembler des personnes souhaitant se souvenir. Ce fut aussi un moment très important et plein d’émotion pour les familles et les proches.
L’organisation de cette manifestation a été réalisée en lien avec des acteurs associatifs locaux, les services de la Mairie de Saint-Laurent-Nouan et ceux de la Mairie de Crouy-sur-Cosson, ainsi que certains élus locaux, départementaux et nationaux.
2017 est l’année du 75ème anniversaire de cet événement.
Afin de leur rendre hommage une cérémonie a eu lieu, à proximité du lieu de parachutage, Vendredi 5 mai 2017.
De nombreuses personnes étaient présentes à cette occasion dont une délégation britannique de près de 150 personnes regroupant des FANY’S ainsi que des membres de la Fédération Nationale Libre Résistance.
Monsieur Christophe LAURENT, Adjoint au Maire a félicité les participants pour leurs actions permanentes permettant d’honorer la mémoire des combattants qu’ils soient homme ou femme, britannique ou Français, soldat, résistant, combattant ou libérateur.
L’opération commence le 21 septembre 1942 par un message de la radio de Londres: « Les singes ne posent pas de questions ». Pour les initiés, il annonce le parachutage, dans la nuit du 23 au 24 septembre, de deux agents dans le secteur du Petit Bois Renard. Mais l’opération est un échec. Raymond FLOWER, agent du SOE (Spécial Opération Exécutive: service secret britannique qui soutient les mouvements de résistance) qui doit mettre en place le balisage du terrain de parachutage s’y prend trop tard et celui-ci, mal placé, rend dangereux le parachutage. Le pilote fait demi-tour et repart en Angleterre. Le parachutage, cette fois organisé par Pierre CULIOLI, est remis à la nuit suivante, du 24 au 25 septembre 1942, et Andrée BORREL et Lise de BAISSAC atterrissent sur un terrain appartenant alors à René DUTEMS, Maire de Mer. Ce sont les deux premières résistantes à être parachutées en France.
Les deux agents féminins du SOE (Spécial Opération Exécutive) sont réceptionnés par les membres du réseau Adolphe, réseau dirigé par Pierre CULIOLI, gendre de René DUTEMS. Les deux fils de ce dernier, Jean et Guy, en font également partie. Elles sont amenées à Avaray, dans la famille BOSSARD qui abritait les agents avant leur départ pour le maquis ou l’Angleterre.
Jusqu’au 10 janvier 1943, sept autres agents et du matériel atterriront au même endroit, puis d’autres sites seront choisis et c’est au total une vingtaine d’agents et une grosse quantité d’armes et de matériel qui furent parachutés ou déposés après atterrissage dans le département.
Andrée Raymonde BORREL est née le18 novembre 1919 à Paris. Elle quitte l’école à quatorze ans et travaille pour aider sa famille. En 1939, elle s’engage dans la guerre civile en Espagne et rentre à Paris au début de la Seconde Guerre mondiale. Elle déménage avec sa mère à Toulon où elle devient membre de l’Association des Dames de France, soignant les soldats blessés dans un hôpital à Beaucaire. À l’armistice, elle rejoint le Réseau Pat O’Leary dirigé par le médecin belge Albert GUERISSE, mais fin 1941, une partie de la filière est trahie et elle doit elle-même fuir à Lisbonne, puis en Grande-Bretagne en avril 1942. Le 15 mai 1942, elle rejoint la première session féminine du SOE. Elle est formée sous la couverture des First Aid Nursing Yeomanry (FANY), corps d’infirmières britannique.
La mission d’Andrée BORREL est de gagner Paris pour y préparer l’installation de Francis SUTTILL. Le major Francis SUTTILL et né à Mons en Barœul, en 1910, d’une mère française et d’un père britannique devenu directeur d’une usine textile à Lille. Il est élevé alternativement en France et en Angleterre. Il se marie à Londres en 1935, et devenu avocat, il s’engage dans l’armée britannique dès la déclaration de guerre de septembre 1939. Il sert comme officier de renseignement. Muté à sa demande au sein la section française du SOE, il se déclare volontaire pour une mission en France. Il est parachuté au cours de la nuit du 1er au 2 octobre 1942, dans le secteur de La Ferté-sous-Jouarre. Il rejoint Paris, où il retrouve Andrée BORREL. Après la chute du réseau Carte en France, la mission de Francis SUTTILL est d’y organiser un nouveau réseau, basé à Paris, le réseau Physician-Prosper (Prosper est le nom communément utilisé en France pour désigner le réseau SOE Physician, créé à Paris, à l’automne 1942). En juin 1943, le réseau Physician-Prosper mobilise au total environ 400 personnes, agents SOE et résistants français ayant accepté de travailler pour lui, qui sont implantés dans une quinzaine de départements, répartis au sein de six sous-réseaux et d’une dizaine de groupes,
Le 13 juin, Francis SUTTILL et Andrée BORREL viennent en Sologne rencontrer Pierre CULIOLI qui venait de leur faire parvenir un message demandant la suspension des parachutages dans son secteur à la suite de l’explosion au sol d’un container au cours de la nuit du 10 au 11 juin à Neuvy. Il redoute en effet que cette explosion n’ait été signalée aux Allemands. Mais les parachutages continueront. En juin 1943 Pierre CULIOLI est pris en transportant des agents canadiens à la gare de Beaugency.
Mais le réseau Prosper est infiltré par des agents « retournés » et peu à peu la plupart de ses membres seront arrêtés par la Gestapo. Le 23 juin 1943 c’est Andrée BORREL et Gilbert NORMAN, le radio du réseau, et le 24 juin Francis SUTTILL. Elle est envoyée au centre pénitentiaire de Fresnes où elle reste pendant un an avant d’être envoyée avec sept autres femmes agents du SOE dans la prison civile pour femmes de Karlsruhe. Le 6 juillet 1944, avec deux autres femmes agents du SOE, elle est transportée au camp de Natzweiler-Struthof (Alsace), où elles sont exécutées par injection de phénol. Leurs cadavres sont immédiatement brûlés dans le four crématoire. Andrée BORREL avait 24 ans.
Lise de BOUCHERVILLE-BAISSAC est née à Curepipe, sur l’Île Maurice, en 1905 et parle parfaitement deux langues: le Français et l’Anglais. En 1919, sa famille arrive à Paris puis fuit vers le Sud pendant l’exode. Avec l’aide du consulat américain, elle gagne l’Angleterre par le Portugal et retrouve à Londres son frère Claude membre du SOE. Il la recommande lorsque ce dernier crée une section féminine, et elle fait partie de la seconde session de formation de mai 1942. Elle a la qualité requise, être bilingue. Trente-neuf femmes appartiennent à la section F (France) du SOE et sont parachutées en France, entre 1942 et 1944, pour accomplir des actes de sabotage ou, le plus souvent, servir d’agent de liaison pour les réseaux mis en place par les Britanniques à partir du terreau existant en France.
Elle mène deux missions en France en 1942 et 1943. Dans la nuit du 24 au 25 septembre 1942, devenue «Odile» elle saute donc avec Andrée BORREL à Nouan. Lise de BAISSAC part alors pour Poitiers avec la mission de monter un nouveau réseau nommé Artist qui devra coopérer avec le réseau Scientist de son frère à Bordeaux. Sous le nom d’Irène BRISSE, une veuve cherchant la paix et la tranquillité, elle trouve un appartement près du quartier général de la Gestapo sans attirer l’attention. Elle sert d’agent de liaison entre plusieurs réseaux, organise les sabotages et prend des renseignements sur les faits et gestes allemands. Soupçonnant que son réseau et celui de son frère sont infiltrés, Lise de BAISSAC est rappelée à Londres le 16 août. Là, elle devient instructrice du SOE le temps d’être affectée à une nouvelle mission.
En Avril 43, devenue «Marguerite», elle rejoint son frère Claude de BAISSAC, parachuté en février en Normandie où il a formé un nouveau réseau appelé Scientist. Il s’agit principalement de reconnaître de grands terrains d’atterrissage qui pourraient être tenus pendant 48 heures, le temps que des troupes aéroportées s’y établissent. Lise y joue le rôle de courrier entre les différents maquis. Entre mai 1944 et le débarquement, elle organise trente-cinq parachutages d’armes et récupère douze agents SOE, des officiers SAS (Spécial Air Service) et des équipes Jedburgh (Jedburgh est une opération de coordination des maquis). Elle rentre en Angleterre en septembre 1944 et participe au défilé de la Victoire le 8 mai 1945 à Londres où elle est reçue par la reine. Après la guerre, elle travaille pour le British Broadcasting Corporation et épouse son amour d’enfance, le décorateur d’intérieur Gustave VILLAMEUR. Elle meurt à 98 ans, le 28 avril 2004 à Marseille.
Mais avant, elle avait participé à la célébration du 60ème anniversaire de son parachutage sur Nouan. Le 21 septembre 2002, une cérémonie avait été organisée à Nouan, au Petit Bois Renard, en présence de membres du FANY (First Aid Nursing Yeomanry corps d’infirmière dont elle faisait officiellement partie pour cacher ses activités au sein du SOE), de parachutistes de l’Ecole des Troupes Aéroprtées de Pau, et en présence de Lise de BAISSAC qui avait alors 96 ans. Elle avait regretté ce jour là qu’un petit accident à la cheville l’ait empêchée de sauter en parachute.
Une autre cérémonie a était organisée pour le 75ème anniversaire du parachutage de Andrée BORREL et Lise de BAISSAC, et présence de nombreuses personnalités et d’une délégation du FANY.
Quelques mots sur l’action de Pierre CULIOLI qui organisa l’accueil d’Andrée BORREL et Lise de BAISSAC: il est né à Brest le 20 juillet 1912. Peu motivé par les études, il devient mécanicien. En juin 1942, il adhère au réseau Monkeypuzzle dirigé par Raymond FLOWER qui rata la première tentative des deux agents du SOE. Raymond FLOWER évincé en partie à cause de cet échec, le réseau passera sous l’autorité de Francis SUTTILL qui confie le secteur de Tours-Orléans-Vierzon à Pierre CULIOLI. Cette branche prend le nom d’Adolphe et compte 358 membres. Le 21 juin 1943, il est arrêté à Dhuizon avec Yvonne RUDELLAT, son agent de liaison, et deux agents canadiens. Blessé, il est interrogé, puis interné à Fresnes. Le 8 août 1944, il part pour Buchenwald, puis pour Iéna. Libéré par les Britanniques après avoir essayé de s’évader plusieurs fois, il rentre en France le 20 avril 1945. En 1946, il est incarcéré, soupçonné d’avoir livré des renseignements lors des interrogatoires qu’il a subis après son arrestation. Un jugement l’inculpant sera cassé par la suite et le 19 mars 1949, il est totalement acquitté. Il décède le 19 août 1994 à Montagne au Perche, à 82 ans., après avoir reçu de nombreuses distinctions françaises et britanniques.
Une recherche de la section Histoire Locale et Généalogie de l’Association Arts et Loisirs
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